Encadrant responsable
Can Onaner
« Il est donc vrai que toute architecture est aussi une architecture de l’intérieur, ou mieux, une architecture venant de l’intérieur. Les volets qui filtrent la lumière du soleil ou la ligne de l’eau, s’alliant à la couleur et la forme des corps derrière ces volets vivent, dorment, s’aiment, constituent, de l’intérieur, une autre façade. Ces corps aussi ont une couleur et une lumière. Une lumière propre mais aussi une lumière réfléchie. Cette lumière est comme une sorte de fatigue ou d’épuisement physique d’été, d’un blanc éblouissant parmi les tons hivernaux. »
Aldo Rossi, Autobiographie Scientifique (1981), éd. Parenthèses, 1988, p. 48
Contexte théorique et objectifs pédagogiques de l’enseignement
Le contexte théorique spécifique à l’enseignement du projet en deuxième année, tel qu’il a été dé ni de manière collégiale par l’ensemble des enseignants, est celui de l’habiter. Le premier semestre aborde cette question à travers l’angle restreint de la maison privée individuelle. Comment aborder ce type, pierre angulaire de la culture architecturale, mais aussi symptôme désolant d’inégalités sociales et d’encombrement des paysages périurbains ? A travers des références historiques et contemporaines légitimes qui magni ent le type comme un fait culturel sans aborder ses conséquences sociales et paysagères ? A travers un programme donné à priori ou un récit qui reproduit le vécu personnel des étudiants ? Nous faisons le choix de questionner dans un premier temps le programme de l’habitat individuel à travers des références théoriques et littéraires.
Adolf Loos écrivait que la maison privée était « asociale » et par conséquent antimoderne. Il défendait toutefois la maison individuelle ouvrière face aux projets de logements collectifs des Hof viennois. Il précisait que la maison ouvrière devait être pensée depuis l’extérieur, depuis son jardin. Les postulants au logement individuel devaient dans un premier temps faire la preuve de leur capacité à cultiver leur jardin privé : de produire avant d’habiter ! Le jardin privé, lieu de production, devenait ainsi le gage d’une vie collective, sociale. A l’inverse, les maisons de ville bourgeoises qu’il concevait partaient de l’intérieur et opposaient leurs façades imposantes à la ville.
Nous proposons de travailler sur une typologie intermédiaire : une maison bourgeoise tournée vers l’intérieur de son jardin, avec une limitation des ouvertures sur l’extérieur à 10% de la surface des façades. La maison sera entièrement organisée autour de patios qui gèrent les vues et la prise de lumière. Elle pourra être partiellement ou complètement enterrée. La contrainte de limitation des ouvertures sur la périphérie de la parcelle permet de mettre l’accent sur l’orientation, la prise de lumière, la prise d’air et les cadrages visuels. L’absence de « façade » à proprement parler vise à suspendre dans un premier temps la question du langage architectural pour inciter les étudiants à inventer des dispositifs singuliers d’ouverture, un travail sur les ambiances intérieures à travers le soin apporté aux usages, aux textures, etc. Penser l’habiter « depuis l’intérieur » est aussi l’occasion d’organiser l’espace autour du corps, de ses postures, ses mouvements, ses dimensions, aussi bien que ses perceptions et ses sensations.
mme par l’agencement des meubles en son intérieur, permet de penser les qualités spatiales et matérielles d’un espace intérieur conçu comme le fragment, matrice d’un organisme plus complexe. De manière plus générale, le théâtre est abordé comme le dispositif permettant d’expérimenter la confrontation des deux projets d’étudiants à travers les distinctions entre scène et fond de scène, décors mobiles et murs xes, spectateur et acteur, etc.
Progressivement, le théâtre scienti que devient un volume capable de 5m x 5m x 5m imbriquant des pièces de deux logements et permet ainsi d’anticiper le troisième exercice.
Le rendu de la « matrice » se fait par une coupe perspective et une maquette à l’échelle 1/10.
Troisième phase : la maison double (densification)
Sur la parcelle du premier exercice (un carré de 16m x 16m ou un rectangle de 8m x 32m situés dans un site imaginaire et orienté), le duo d’étudiants doit proposer un projet de deux logements imbriqués.
Dessins des étudiant.e.s : Cynthia Tréport, Salomé Malandain, Léopold Bourgier, Laura Lévèque,
Pierre Kraft, Audrey Guiblin, Gabriel Santos, Lanei Yvernat et Jeanne Courbois.
Méthodes et développement proposés pour le projet
Première phase : « La maison avec intérieur »
Le site de ce premier projet est virtuel. Il est cependant dimensionné : un carré 16x16 m ou un rectangle 8x32m, avec une surface habitable de 180m2. L’étudiant devra donner l’orientation solaire de son site et choisir entre 4 sites « imaginaires » : falaise, montagne, forêt et ville.
Si le site imaginaire, la forme et la dimension de la parcelle ont leur importance, c’est en partant de l’intérieur que les étudiants seront amenés à concevoir la maison. Construire les parois autour de soi ; s’habiller des murs ; penser l’espace comme une seconde peau. Chaque pièce peut être considérée comme un vêtement particulier. A chacune sa fonction pragmatique, mais aussi à chacune sa fonction psychologique ou symbolique. Cette seconde peau peut être dure ou souple, ne ou épaisse, perméable ou imperméable, opaque ou transparente, rassurante ou étouffante, etc. En somme elle a des qualités physiques et psychologiques au-delà de ces qualités purement fonctionnelles. L’imaginaire autour de l’intériorité sera stimulé par une série de textes littéraires et théoriques autour de la question de l’habiter (Hermann Melville, "Moi et ma cheminée" ; Jean-Paul Sartre, "Huit clos"; Alain Robbe-Grillet, "Dans la Labyrinthe" ; Anthony Vidler, "Unhomly Houses" ; Sigmund Freud, "L’inquiétante Etrangeté" ; Franz Kafka, "Le Terrier" ; Aldo Rossi, "Autobiographie Scientifique" ; Georges Perec "Espèces d’espaces" ; etc.).
Les étudiants devront analyser ces textes a n d’en tirer des caractéristiques architecturales qu’ils représenteront de manière analytique selon 7 thèmes : Géométrie, Forme, Espace, Epaisseur, Ouverture, Distribution, et Usage. Ils devront produire 7 dessins et 7 maquettes qui seront autant d’entrées possibles pour le projet sans qu’il n’y ait d’à priori par rapport au programme. Les 7 dessins et maquettes doivent prendre en compte les différentes contraintes venant du rapport au site, ainsi que les caractères architecturaux découlant des textes qu’ils auront choisis. Par des allers-retours ré exifs entre les 7 maquettes, à des échelles différentes, allant du 1/100 au 1/20, en proposant des inclusions, des exclusions et des hiérarchies entre les 7 qualités, l’enjeu est d’aboutir à un projet riche d’une complexité provenant des différentes intentions de départ. Une démarche dialectique et inclusive, assumant la complexité, est préférée à une démarche linéaire et exclusive cherchant la simplicité et la clarté à tout prix.
Deuxième phase : La matrice 5m x 5m x 5m
(Exercice conçu et dirigé avec Giaime Meloni)
En partant des principes architecturaux mis en place pendant leurs travaux individuels, 2 étudiants formeront un duo a n de concevoir un volume de 5m x 5m x 5m qui formalisera un dialogue entre leurs projets individuels.
Au départ, le cube de 5m de côté est présenté comme un « théâtre scientifique », référencé au projet de ce nom de Franco Purini. Ce dernier, par sa construction géométrique rigoureuse, par les épaisseurs différenciées de ses parois, par ses ouvertures sur l’extérieur, comme par l’agencement des meubles en son intérieur, permet de penser les qualités spatiales et matérielles d’un espace intérieur conçu comme le fragment, matrice d’un organisme plus complexe. De manière plus générale, le théâtre est abordé comme le dispositif permettant d’expérimenter la confrontation des deux projets d’étudiants à travers les distinctions entre scène et fond de scène, décors mobiles et murs xes, spectateur et acteur, etc.
Progressivement, le théâtre scienti que devient un volume capable de 5m x 5m x 5m imbriquant des pièces de deux logements et permet ainsi d’anticiper le troisième exercice.
Le rendu de la « matrice » se fait par une coupe perspective et une maquette à l’échelle 1/10.
Troisième phase : la maison double (densification)
Sur la parcelle du premier exercice (un carré de 16m x 16m ou un rectangle de 8m x 32m situés dans un site imaginaire et orienté), le duo d’étudiants doit proposer un projet de deux logements imbriqués.