Architecture de la foule - La foule non humaine
Studio de projet des Master 1 & 2 - ENSAB Rennes - 2020/2021
Encadrants responsables
Can Onaner avec Valerian Amalric
Mathilde Sari et Henri Bony
Labo photo : Emmanuel Groussard
L'ARCHITECTURE DE LA FOULE
La foule non humaine - 2020/2021
Studio de projet - ENSAB Rennes
Master 1/2
Ce studio de projet vient en continuité de l’atelier de l’année dernière qui se proposait de travailler sur un type de bâtiment singulier : celui d’une architecture de la foule.
Entre la place publique, l’agora ou l’acropole à ciel ouvert, les grands espaces communs couverts comme les théâtre ou les bains, l’architecture de la foule nous est apparu comme étant un type qui reste à inventer.
Cette année, l’atelier s’intéressera à un type de foule singulier : la foule non humaine.
En effet, une foule non humaine peut prendre différentes formes qui s’éloignent à priori des «mouvements de foule» urbains. Elle peut même s’y opposer : un virus comme celui du Covid peut par exemple être considéré comme une foule non humaine. A l’image de la foule humaine, son principe est celui de la fusion, du débordement et de la contagion – comme la foule humaine, elle ne cherche qu’à s’agrandir et à transgresser les limites qu'on lui impose. Mais si une pandémie est une foule non humaine, elle nous pousse paradoxalement à rester chez nous, à ne surtout pas envahir les rues. De surcroit, cette nouvelle foule contagieuse nous indique les chemins de la campagne, vers des modes de vies non urbains, non densifiés. Des vies isolées. Sans afoulement.
Le virus comme foule contagieuse s'opposerait-il à la foule des humains ? Le virus, foule lui-même, chose vivante parmi les vivants est-il la force qui interdit la réapparition des foules urbaines ? Certes. Mais ce qui importe, n'est pas tellement la forme de la foule (humaine ou non humaine), c'est la transgression de l’ordre social qu’elle entraine, le suspens de l’état des choses qu'elle peut engendrer.
Au-delà du virus, la foule non humaine peut désigner le vivant dans son ensemble : un nuage d’oiseaux se déplaçant par milliers, une forêt d’arbre bougeant sous le vent. Pour autant, un rassemblement de vivants non humain ne constitue pas nécessairement une foule, de la même manière qu’un attroupement d’individu ne fait pas foule, mais masse… Pour qu’il y ait foule, il faut qu’il ait un mouvement, un débordement. Un troupeau d’animaux constitue-t-il une foule ? Peut-être dans un mouvement qui déborde les limites qui lui sont attribuées. Un amas de plantes peut également constituer une foule quand il envahit et déborde le cadre qui lui incombe. Une forêt naturelle est davantage une foule qu’une plantation d’arbres; une plantation en feu est davantage une foule qu’un alignement d’arbre.
Le rapport de l’architecture à une foule non humaine est analogue à celui qu’elle a à une foule humaine : l’architecture cadre, ordonne, limite et massifie les foules. De la même manière qu’elle compacte les foules humaines en les contenant dans un espace donné, sur une place, un stade ou un amphithéâtre, ou leur impose un mouvement orienté et délimité sur un boulevard ou une autoroute, l’architecture conditionne également les foules non humaines : elle ordonne les arbres dans une peupleraie, elle organise l’agriculture sur des plateaux superposés, elle enferme les animaux dans des zoos, elle accumule et agence une foule d’objets de consommations dans des entrepôts gigantesques, elle stocke les données virtuelles dans de grands « Datacenter »…
Ici encore, s’intéresser à l’architecture de la foule non humaine, c’est s’intéresser autant à l’architecture comme cadre, comme bord, qu’à la foule comme transgression et débordement. Peut-être même à l’inversion de ces attributs.
Méthode de Projet et déroulement du semestre
La méthode de conception ne présuppose ni programme, ni commande précise. A partir de références architecturales et filmographiques, les étudiants définiront eux-mêmes des scénarios où l’architecture interagit avec une foule non-humaine de leur choix. Le projet consiste à matérialiser ces scénarios en les inscrivant dans l’espace et dans le temps. Les scénarios seront dans un premier temps pensés hors sol, en partant de dispositifs spatiaux issus de références architecturales.
Comme l'année dernière, la vidéo viendra s’ajouter aux dispositifs de conception. Elle interviendra à trois moments du semestre : une première fois lors de la recherche et l’élaboration de dispositifs architecturaux, une seconde fois lors du relevé du site et une dernière fois lors de la finalisation du projet.
Les références
Une première phase d’analyse et de dessin à partir des références architecturales permettra de comparer des bâtiments qui accumulent et organisent des individus non humains, à travers des paramètres différents comme l’échelle, le rapport au site, la forme symbolique, la disposition spatiale, les modes d’occupation, les transformations dans le temps, etc.
Le rendu de cette phase prévoit un tableau thématique de dessins et/ou de maquettes, où chaque dessin/maquette devient le lieu d’une expérimentation plastique et graphique qui met en avant les caractéristiques des bâtiments étudiés.
Les dispositifs
En s’inspirant des bâtiments analysés et redessinés, une seconde phase consistera à élaborer des dispositifs architecturaux impliquant les foules non-humaines ; des dispositifs qui inscrivent les foules non-humaines dans l’espace et dans le temps, envisagent leur cadrage et leur débordement : une porte pour contrôler les passages ; une série d’arcades pour filtrer les mouvements ; des coursives et des passerelles pour enjamber ; des boîtes pour contenir ; des plateaux pour accumuler et stocker ; des voiles pour cacher à la vue, etc.
Le rendu de cette phase se fera en maquette et avec de courtes séquences vidéos qui utiliseront les maquettes comme support. Le travail en maquette permettra de dimensionner précisément ces dispositifs, de leur donner une matérialité. Le travail en vidéo donnera à voir l’action de l’architecture sur les foules non humaines : un mouvement, une atmosphère, des fonctions normées, mais aussi des situations et des événements qui échappent à ces normes.
Les scénarios
En partant des premiers dispositifs élaborés, une troisième phase consistera en l’écriture et le dessin d’un scénario problématisé développant les usages, les temps, les formes et les espaces d’une architecture de la foule, sans site spécifié. Le scénario prendra en compte l’impact social (humain) des foules non humaines.
Le rendu de cette phase se fera par l’écriture d’un court texte et le dessin d’un storyboard, décrivant l’évolution d’une architecture en 3 ou 4 phases.
Le site
Il était initialement prévu comme site la ZAC Baud-Chardonnet et l’espace industriel à l’est (la « Plaine de Baud », le « Trans-fer », les entrepôts de « Bio-coop », la déchèterie « Plaine de Baud » et la fourrière de Rennes). Le confinement a redessiné cette étape du studio. Les étudiants sont pour certains rentrés chez eux et ils nous a été impossible d'aller sur le site. Cette quatrième phase a alors consisté à construire un site imaginaire à partir des sites où se trouvaient les étudiants, dans la limite des 1km de déplacements possibles autour de chez eux. Il s'agissait pour chaque groupe d'extraire des fragments de leurs sites respectifs pour les réunir en un collage (dessin et vidéo). Que ce soit un désert lointain composé de morceaux disparates d'architecture, un parc à thème regroupant sur la même route les zones campagnardes, pavillonnaires et urbaines ou plusieurs Rennes analogues... les sites se sont créés afin d’envisager l’inscription du scénario précédent dans ces lieux.
L'objectif était le dessin d'une carte. Cette carte partielle témoignait d’une lecture singulière du site. Elle a également servi d’outil de notation sur lequel les étudiants ont indiqué les points de vue des relevés vidéo qui se sont fait parallèlement. L’enjeu a donc été de produire, en plus de cette carte/collage, un court film narratif pour inscrire le scénario dans le site.
Le projet architectural
La cinquième phase sera l’occasion de constituer le projet architectural en partant des dispositifs spatiaux, des scénarios et des story-boards établis précédemment, en les inscrivant sur le site.
Le rendu de cette phase, sera en plan, coupes, perspectives et documents graphiques à différentes échelles, y compris des plans et coupes de situation montrant l’inscription du projet dans son site à une large échelle.
Film et rendu général
La sixième et dernière phase sera l’occasion de fabriquer un dernier film reprenant les précédents, afin de représenter l’idée de l’architecture de la foule non humaine construite par la rencontre du site, des scénarios et des dispositifs architecturaux.