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Architecture de la foule - Foule et Mythes

Studio de projet des Master 1 & 2 - ENSAB Rennes - 2022/2023
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ARCHITECTURE DE LA FOULE

Foule & Mythes - 2022/2023

Studio de projet - ENSAB Rennes

Master 1 & 2

                                             

Encadrants responsables

Can Onaner avec Mathilde Sari 

Labo photo : Emmanuel Groussard

Ce studio de projet vient s'inscrire en continuité du thème général de l'atelier qui se propose de travailler sur un type de bâtiment particulier: celui d’une architecture de la foule. Entre la place publique, l’agora, les temples ou l’acropole à ciel ouvert et les grands espaces communs couverts comme les théâtre, les bains, les grands bazars, les bibliothèques ou les usines, l’architecture de la foule nous est apparue comme un type à ré-inventer. Pour cela, après le thème de la magie l'année dernière, c'est à travers celui des mythes que nous aborderons cette année la foule et son architecture.

Qu'entendons nous par mythe

 

Il existe un peuple en Australie, les Achilpa, qui se déplace en transportant un poteau sacré. Cet axe vertical reliant le ciel aux profondeurs de la terre, définit par sa présence un centre autour duquel se créé l'espace habitable. Pour les Achilpa, briser cet axe vertical, le perdre ou s'en éloigner, c'est se retrouver privé du monde, c'est sombrer dans le chaos, l'informe, l'inhabitable. C'est ne plus pouvoir vivre. A l'origine de la sacralité du poteau qu'ils transportent avec eux, il y a le mythe : « un être divin appelé Numbakula avait“cosmicisé” leur territoire, créé leurs ancêtres et fondé leurs institutions. Ayant façonné un mât sacré avec un tronc d’hévéa, Numbakula s’y éleva jusqu’au ciel et disparut. Ce mât représente l’axe cosmique, car c’est autour de lui que la terre devient habitable et se transforme en monde. »

 

Un mythe est un récit originel qui se reproduit à travers des rituels collectifs. Ce récit trouve des relais dans les formes architecturales qui encadrent ces rituels et participent à ancrer le mythe dans le monde quotidien. Les rituels peuvent prendre comme support un poteau sacré, des ornements aux propriétés magiques, des matériaux aux forces surnaturelles, un autel, une porte qui sert de passage entre deux états, un temple... Mais le mythe n'est pas nécessairement archaïque. Puisqu'il est pensé aujourd'hui, il doit mettre en jeu le monde contemporain, ses croyances, ses modes de vie, ses habitudes, ses rituels et ses technologies.

 

Il s'agira pour nous pendant ce semestre d'imaginer un mythe, ses rituels contemporains et les architectures qui lui servent de support. Pour cela, nous vous proposerons des étapes de création qui partiront du corps pour aller jusqu'au paysage, de l'individu jusqu'aux foules. A chaque phase, les éléments des étapes antérieures seront réemployés et transformés, assemblés et démultipliés, pour venir construire un univers fait de formes et ornements architecturaux.

Le mythe, un seuil temporel et spatial entre profane et sacré

 

Si le mythe est un récit originel ancré dans la mémoire collective, celui-ci ressurgit temporairement dans le présent, lors de rituels mettant en jeu l'architecture et le corps des foules. Ces instants rituels apparaissent comme des seuils sacrés qui se creusent momentanément au centre du monde profane.

Le monde profane est celui du quotidien, du temps linéaire et de l'espace continu : celui de la durée. Il est le monde des êtres sensuels et mortels soumis à la contingence de la nature, à la dégradation et à l'usure. Sur le plan social, il dépend des intérêts individuels, des désirs et des besoins du présent, des rapports de forces primordiaux, physiques, psychiques et matériels. Il est notre monde contemporain dans son état de crise écologique, sociale et politique.

Le monde sacré est celui qui scande la continuité profane. Il organise le temps et l'espace en créant des seuils, des séparations aussi bien spatiales que temporelles et sociales. Le sacré se manifeste alors par des instants rituels qui permettent une sortie du quotidien, des bulles de temps qui ne valent que pour l'instant mythique qu'elles répètent et qui permettent, lorsqu'on en sort, de donner le sentiment de profiter d'un monde et d'un corps à nouveau créés, régénérés, même si parallèlement, dans le monde profane, le dépérissement se poursuit.

Le temps sacré du mythe et donc répétitif. Il est fait de commencements, de fins et de recommencements. Ce qui se passe entre, la durée, l'évolution, le processus de progrès ou celui du déclin, n'intéresse pas le mythe. Du point de vue du mythe, seuls comptent le début, la fin, des choses et des mondes, et leurs recommencements. Une temporalité qui se spatialise en centres sacrés comme autant d'enceintes qui se constituent au sein du monde profane. Ces enceintes sont le lieu de rituels qui matérialisent le mythe. Et ces rituels ont des objets et des outils, des lieux et des milieux. Ils peuvent être un corps et les artefacts qu'il utilise pour vivre le rituel, comme les vêtements et les outils utilisés par les chamans, les prêtres ou les magiciens, ou encore les artifices technologiques qui, comme dans les films de Cronenberg, augmentent les corps pour des échanges sacrés. Ils peuvent être un temple ou un autel, un poteau dans la maison au pied duquel on sacrifie et le long duquel on communique avec les divinités du ciel et les parties basses du monde souterrain, ou encore une pièce architecturale dans un jeu de réalité virtuelle. Mais ils peuvent aussi être des jardins en terrasses suspendus, un échangeur autoroutier, une montagne, naturelle ou artificielle, tout point que l'humain choisira comme ancrage du monde sacré au sein de la nature profane.

 

Pourquoi travailler sur le mythe aujourd'hui ?

 

Réfléchir à notre monde en déclin à travers un mode de pensée mythique peut être l'occasion d'une authentique re-création où l'ensemble du monde social, culturel et naturel peut être repensé sans culpabilité, sans peur. Car la pensée mythique est une pensée de la création plutôt qu'une pensée de la réparation. Une pensée où l'instant créateur prime sur la durée.

Nous vous invitons donc à être, le long d'un semestre, des architectes capables de créer un nouveau monde mythique avec les morceaux de ce monde en crise, en y intégrant des éléments d'un passé oublié à redécouvrir, autant que ceux d'un futur à imaginer. En somme, nous vous invitons à vivre au-delà de la réparation et de la conservation de la ruine de notre monde. De créer un monde où il ne s'agirait plus uniquement de faire durer, mais de penser de nouveaux commencements, des recommencements.

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Formes et matières du studio, déroulement du semestre

 

Construire une société par le mythe, c'est penser à la manière dont l'organisation sociale, morale et intime se fait et quelles architectures l'accompagnent. Nous vous demanderont donc d'imaginer une société à partir d'un ou plusieurs rituels impliquant l'architecture. Le paysage et la ville, le temple, la maison, le poteau et le corps qui habite la maison et se rend au temple. Travailler le mythe c'est travailler l'échelle des objets et des corps, l'individu et les foules, la maison et le paysage. C'est donc en effectuant un dézoom que nous vous proposons de construire vos mythes architecturaux. En partant de l'échelle du corps, les motifs, les formes et les matières de l’architecture se répéteront et se déploieront à l'échelle d'un fragment de ville et de ses foules rituelles. Ainsi vous serez amené.e.s à construire l'architecture à travers les répétitions et les différences des rituels qui la parcourent et l'édifient. A penser l'architecture par son temps profane, qui s'use, résiste, se répare et s'écroule, autant que par son temps rituel et sacré : celui de l'événement, qui apparaît, meurt et se (re)crée.

 

Une attention particulière sera portée à la plasticité de l'architecture. Dans ses formes et ses matières et ce à travers différents médiums. Le dessin et le collage, le travail en maquette conceptuelle aux formes et matières étonnantes, mais aussi le travail en vidéo pour la mise en mouvement et en récit des rituels mythiques que vous proposerez. Ces différents médiums répondent aux différentes échelles et aux différentes temporalités engagées par les mythes. Ainsi passer du dessin à la vidéo vous fera passer de l'individu/corps à la foule/paysage.

Les références

Une première phase d’écriture et de dessin se fera à partir de références architecturales et textuelles proposées par les enseignants. Ces références – bâtiments, artefacts ou situations, récits, réels ou imaginaires – relèveront du mythe sous une forme ou sous une autre. Elles seront analysées à travers un travail d'écriture et un travail plastique d'interprétation et d'appropriation. Cette première phase est donc une phase de recherche et d'expérimentations qui vous permettra d'aborder en mêlant d'emblée différentes échelles, les formes, matières et mots qui construiront vos mythes.

Le rendu de cette phase prévoit une expérimentation plastique et graphique mettant en avant les caractéristiques architecturales du mythe déployé. Plutôt que figé sur une feuille, ce rendu sera abordé sous forme d'installation en 3 dimensions, mettant en jeu l'espace et le temps de sa consultation.

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Le corps et l'artefact architectural

Dans la phase précédente, le récit originel et les rituels de vos mythes, leurs formes et matières se seront déjà un peu esquissés. Pour cette seconde phase il s'agira de leur donner une première matérialisation à l'échelle intime du corps.

Vous construirez donc ici deux éléments : l'un pour le corps, l'autre architectural. Il pourra s'agir de masques, de prothèses, de vêtements ou d'amulettes, d'outils pour le premier ; d'ornements, de colonnes, de murs, de sols, de portes ou de toitures pour le deuxième. Ces deux créations, l'artefact corporel et l'élément architectural, devront s'associer lors d'un rituel pour en devenir les supports.

Par exemple il pourra s'agir d'établir le lien entre un vêtement que l'on met comme une armure pour traverser une porte décorée d'ornements sacrés, une prothèse technologique que l'on fixe à son bras pour se connecter à un pilier lors d'un sacrifice, ou bien d'une amulette tatouée ou portée comme bijou, qui sera reproduit pour recouvrir la surface des murs d'un temple. Il pourra aussi être question de trouver des analogies formelles, matérielles, spatiales ou fonctionnelles entre un couteau de sacrifice et l'autel qui le reçoit, la toge des francs-maçons et le damier de leur temple, l' urne et l'autel miniature qui l'accueille, ou encore, le costume de dragon et les rues aux façades grimées qu'il arpente part sa danse.

Le rendu de cette phase se fera en dessin, en maquette et en vidéo. Le dessin permettra de définir les formes, dimensions, matériaux et structures des artefacts corporels et des éléments architecturaux. Les maquettes, de l'échelle 1 jusqu'à l'échelle 1/10, permettront de mettre en jeu le corps, l'espace et la lumière. Un premier travail de vidéo sous forme de « poème visuel » viendra suggérer le déroulement d'un rituel mettant en mouvement l'artefact corporel et l'élément architectural.

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Le temple et la maison

En partant des artefacts et des éléments architecturaux créés et des rituels esquissés par la vidéo, une troisième phase consistera en la création des édifices architecturaux que sont le temple et la maison. C'est à partir des formes, matières et motifs de vos artefacts et éléments architecturaux qu'ils se construiront, en en devenant le cœur, recouvrant leurs murs ou s'y déclinant en mobilier, matérialisant la surface de leurs peaux ou les entrailles de leurs structures. Lieu du collectif et lieu de l'intime (ou inversement), le temple et la maison répondront à la temporalité choisie pour vos mythes, son temps profane, quotidien et ses évènements rituels sacrés.

Le rendu de cette phase se fera en dessins et maquettes. Les maquettes pourront être conceptuelles, des tests de matières et de formes en mouvements. Les dessins représenteront le temple et la maison dimensionnés précisément et répondront aux exigences de matériaux, de modes constructif, d'usages, de sons et de lumières.

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La montagne

Cette quatrième phase consistera en la création d'un fragment de ville à partir des scénarios mythiques, des temples et des maisons. Ceux-ci seront répétés et déclinés, assemblés autour de rues, ruelles, coursives, patios, ponts, jardins, places, carrefours et rivières créant un fragment de ville permettant la double temporalité de vos mythes, celle du quotidien profane et celle de l'événement rituel. Comme forme, ce fragment devra répondre à la contrainte de s'élever en un mont ou une montagne artificielle. Plus ou moins haute, faite de terre, de déchets ou d'acier et de câbles, constituée par la ville ou s'élevant au centre de celle-ci, creusant le sol ou s'élevant vers le ciel, elle pourra donner à voir la ville ou la renfermer sous son enveloppe.

Le rendu de cette phase, sera en plan, coupes, perspectives et documents graphiques à différentes échelles. Une carte sous forme de dessin ou de collage pourra également permettre de représenter le fragment de ville à l'échelle large du paysage. Le triptyque pourrait aussi être employé pour donner à voir cette ville/montagne à différents moments, profanes et sacrés.

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Maquette, film et rendu général

La dernière phase sera l’occasion de réaliser des maquettes de vos villes/montagnes, de préparer le rendu général et de fabriquer un dernier film reprenant en partie le précédent, afin de mettre en mouvement vos mythes et leurs foules.

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