La ruine hurlante​

Azilis Alle et Maela Dubée

​

Le tissu. Les tas. Encore des tas. Jeans, tee-shirts, chaussettes. Des tas partout. Récupérer, pincer, tirer. Passer le fil dans l’aiguille. Piquer. En haut, en bas, dedans. Les machines. Leur vrombissement. Tchak tchak tchak tchak. Les mains, qui saisissent, qui prennent, qui jettent. Elles se mélangent, bougent et fabriquent. Encore et encore. On fabrique peut-être trop même. Oui, on produit trop. Quelque chose s’efface. L’enfance disparaît. Ou alors elle se cache.

Soudain, un, deux, trois, dix, quinze enfants crient. Ça hurle, ça beugle, ça piaille. C’est le chaos. Mais ça fait du bien le chaos parfois. Un chaos qui nous dépasse, qui résonne. On court sur les échafaudages, on crie dedans même. Dans les tuyaux et les amplificateurs. Ça grouille. La bouche se défoule, les corps se défoulent. Mais surtout on détruit, on casse, on jette. On prend ces capes et on les déchire, on les tire. Encore et encore. Ça fait du bien.

Et puis on attache, ensemble. Les uns sur les autres. Bouts de tissus sur bouts de tissus. Les enfants grimpent sur les épaules. Ils grimpent toujours plus haut, jusqu’au sommet. Au-delà de toutes les autres structures. Les toiles se mélangent au métal et bientôt, un immense temple se dresse au-dessus de tous. Les tissus resteront là et s’imprégneront des cris. Et chaque jour, le chaos recommencera. Alors on se rappellera, de l’enfant, au fond de soi.